La protection des mammifères marins des eaux sous compétences juridictionnelles françaises.

Par lettre de mission du 1er août 2011, la ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement a demandé au Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable, ainsi qu’à l’Inspection Générale des Affaires Maritimes, un rapport sur les suites à donner aux propositions du groupe de travail « Mammifères Marins » tenu dans le cadre des tables rondes du Grenelle de la Mer de novembre 2009 à mars 2010.

La mission a en premier lieu pu prendre conscience de la complexité de la question posée, au travers des multiples facettes de la protection des mammifères marins, et des multiples activités marines concernées : transport maritime, activités militaires, travaux marins, développement des énergies marines renouvelables (EMR), prospection géophysique, pêche, tourisme et pollution engendrée par l’activité anthropique.

Certains aspects n’étaient pas partie des 22 propositions du Grenelle de la Mer : ainsi en était-il de la pêche, dont l’impact est fort sur les dauphins et les phoques. La lettre de mission ayant demandé un élargissement de la réflexion (« cette approche plus globale au départ de la réflexion peut permettre de relativiser le poids de certaines activités, et d’identifier celles où des efforts supplémentaires ou nouveaux sont nécessaires »), l’équipe a élargi son champ d’étude à l’ensemble des nuisances d’origine anthropique pouvant affecter les mammifères marins et aux solutions envisageables dans le cadre prospectif de la transition écologique.

Aucune des 22 propositions ne citant les spécificités ultramarines, la mission a orienté son analyse vers la métropole.

La mission a procédé dans cet esprit au recensement des personnes concernées par l’objet du rapport. La multiplicité des acteurs est rapidement apparue aux missionnaires, et c’est au total plus de 150 personnes qui ont été entendues au cours de soixante-quatorze réunions.

La Mission a notamment pu rencontrer ou s’entretenir directement avec 14 des 21 membres ou personnes ressources du sous groupe mammifères marins.

Le présent rapport s’est en premier lieu attaché à faire un état des lieux complet de la situation actuelle. Cet état des lieux recense ainsi les acteurs, dresse un panorama des connaissances publiées sur les mammifères marins, y compris l’état des populations par façade maritime, inventorie les impacts des activités anthropiques, et enfin recense les mesures de protection existantes.

Il en ressort que les connaissances sur les mammifères marins demandent à être approfondies, notamment pour mieux connaître les populations et les comportements. La hiérarchisation des impacts des activités anthropiques montre que la pêche est de loin celle qui a l’impact le plus important. Quantitativement, les collisions avec les navires marchands de gros tonnage ne représentent un phénomène significatif que pour les grands cétacés qui en sont les principales victimes, avec un ressenti particulier en Méditerranée. Si l’impact du bruit est actuellement encore difficile à évaluer, il faut signaler deux activités en essor ayant potentiellement un effet néfaste sur les mammifères marins à cause du bruit qu’elles produisent : la technique des pieux battus, utilisée pour des pieux de grandes dimensions dans les parcs éoliens en mer, et l’activité de prospection sismique. Certains pays ont déjà pris des mesures de protection vis-à-vis de ces techniques.

Les mesures de protection existantes croisent la protection par espèce et la protection par espace. La protection par espèce est depuis longtemps bien assurée. La protection par espace dispose d’outils près du rivage, mais les règlements afférents ne paraissent actuellement pas prendre en compte les activités nouvelles potentiellement porteuses de risques pour les mammifères marins. La mission a noté que plusieurs pays (Allemagne, Brésil, …) ont pris des dispositions pour réglementer ces activités.

Une fois cet état des lieux effectué, la mission a procédé à une analyse des 22 propositions du sous-groupe « Mammifères marins » et les a regroupées en 5 thèmes : recherche et développement, bruit, observation, collisions, zones de protection. Les rapporteurs considèrent notamment que la détection automatique des grands cétacés en périphérie des navires, de jour comme de nuit, constitue la première priorité. Une fois ce type de système développé, la mise en place d’un système de retransmission des alertes aux navires pourra intervenir.

Cette analyse des propositions a aussi révélé la nécessité d’une approche globale de la protection des mammifères marins.

C’est pourquoi, dans une dernière partie, la mission propose les éléments d’une action publique structurée et durable pour la protection des mammifères marins. Il va alors de soi que les suites à donner aux 22 propositions doivent s’intégrer dans cette action publique plus globale, laquelle fait l’objet des 12 recommandations thématiques de ce rapport présentées ci-après.

Il faut signaler l’urgente nécessité de fédérer les acteurs, internes mais aussi externes au Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE) au travers d’une structure ad hoc à définir par la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN). Les positions internationales de la France pourraient y être élaborées en association avec ces partenaires.

Concernant la recherche, il est nécessaire d’en définir et structurer les axes, de lancer les développements techniques sur de nombreux sujets tels que les drones, l’amélioration des techniques de pêches et d’effarouchement, la détection dans les zones fréquentées, la détection automatique des mammifères sur images. La constitution d’un observatoire nécessitera en premier lieu une séparation claire des fonctions de recherche et de gestion/diffusion des données et devra faire l’objet d’un cahier des charges détaillant notamment les objectifs de qualité en cohérence avec la directive Inspire. Ce cahier des charges permettra le lancement d’un appel à propositions parmi les laboratoires actifs en ce domaine.

Concernant la pêche, il semble nécessaire d’investiguer les possibilités de baguage, de télédéclaration des prises, et d’agir sur la réglementation européenne avec la prise en compte des risques environnementaux de la pêche électrique.

Concernant le bruit, le rapport suggère la constitution de classes de bruit pour la navigation de plaisance, d’appuyer l’industrie navale pour la conception de navires silencieux, et d’être force de proposition dans les instances internationales. Le pétardage des munitions devrait voir son impact diminuer via la réalisation d’un guide des bonnes pratiques. Enfin, les travaux marins devraient être réglementés dans les zones de présence, avec interdiction de certaines techniques bruyantes, telles que le battage de pieux, lorsque d’autres possibilités existent et permettent d’aboutir à la même finalité.

Dans les zones à préserver en raison de leur forte valeur écologique, l’observation des baleines (le whale watching) devrait faire, en concertation avec les professionnels, l’objet de mesures visant à ne pas déranger les animaux, telles qu’approche silencieuse.

La mission recommande enfin d’entreprendre une étude complémentaire afin de prendre en compte les spécificités de la préservation des mammifères marins Outre- Mer.

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